Construction des images radio astronomiques par analyse spectrale

Dans un premier temps le radiotélescope doit être dirigé vers la radiosource. Le signal reçu par le dipôle au foyer de l’antenne est amplifié, filtré et transmis le long d’un câble coaxial vers les récepteurs radio. Le signal est alors converti en valeurs numériques qui sont traitées mathématiquement par logiciel.

Programmer une série d’observations toutes les minutes est devenu facile grâce à l’utilisation de trois processus. Le premier est la localisation de la cible astronomique voulue avec une application comme Cartes du Ciel qui effectue tous les calculs nécessaires à partir des catalogues astronomiques pour le lieu et l’heure d’observation. L’interface entre Cartes du Ciel et le radiotélescope passe par un serveur et un pilote logiciels tirant partie des ressources de la librairie INDI. Avec Cartes du Ciel il est ainsi possible de pointer le radiotélescope sur et de poursuivre une radiosource.

Le site temps réel affiche en permanence les données enregistrées en continu (actuellement 40 secondes toutes les minutes) sous forme d’intensité du signal en fonction du temps (transit) et densité de flux en fonction de la fréquence (spectre absolu et relatif et spectrogramme). Pour des observations plus élaborées nous utilisons des applications en langage Python qui dialoguent avec le serveur INDI pour commander l’orientation du radiotélescope.

Il existe deux types d’applications. Des applications qui orientent le radiotélescope selon les coordonnées de la cible visée avec une anticipation de l’ascension droite et arrête l’instrument sans effectuer de poursuite. La non compensation de la rotation de la Terre résulte dans le passage tôt ou tard de la cible astronomique dans le faisceau de l’antenne arrêtée à la déclinaison de celle-ci. Ainsi s’effectue un transit de la radiosource devant le radiotélescope.

Un autre type d’application effectue un balayage autour de la radiosource visée selon une ou plusieurs matrices carrées, rectangulaires ou losangiques. Les résultats des enregistrements sont analysés en fonction de l’intensité du signal autour de 1418 MHz et des coordonnées angulaires de la radiosource. On peut ainsi dessiner des cartes de la radiosource.

Traitement mathématique du signal radio

Le signal en provenance des sources radio sur la fréquence de l’hydrogène atomique (1420,4 MHz), capturé par le réflecteur de l’antenne parabolique de 10 m du radiotélescope de la Villette est reçu sur le dipôle au foyer primaire et amplifié par un préamplificateur en tête. Devant un second amplificateur est interposé un filtre passe bande dont le rôle est d’éliminer les signaux forts hors bande qui pourraient interférer comme ceux en provenance d’un relais téléphonique GSM de forte puissance. Le gain cumulé des deux amplificateurs avoisine 50 dB, soit un gain de 100 000 fois en puissance ! Pour encore plus de protection un second filtre passe bande est inséré après le second préamplificateur devant le récepteur programmable SDR (Software- Defined Radio, que l’on peut traduire par Radio logicielle). Les valeurs numériques ci-après sont données à titre d’exemple.

Depuis la rédaction initiale de cet article le matériel utilisé est plus performant. La fréquence d’échantillonnage est à 6 MHz (6 millions d’échantillons par seconde). La période élémentaire d’observation de 40 secondes débute à la minute entière. Entre la 41 seconde et la minute suivante, 29296 FFT sont calculées sur 8192 échantillons et moyennées. Les conversions analogiques-numériques sont sur 16 bits. La qualité des échantillons réels et imaginaires (I/Q) est vérifiée de même que l’absence de saturation du convertisseur (figure). La précision en fréquence des spectres calculés est de 732 Hz par bin, ce qui équivaut à une vitesse de 0,155 Km/seconde.

Le récepteur SDR est piloté par un logiciel d’analyse spectrale rtl_power_fftw. Cette application tourne sous Linux sur un micro ordinateur RaspBerry Pi 3B+. Le récepteur fait des acquisitions à la fréquence de 2.560.000 échantillons par seconde. Le logiciel effectue ensuite une opération mathématique qui permet de passer du domaine temporel (le signal radio reçu en fonction du temps) au domaine fréquentiel (l’intensité du signal à chaque fréquence).

Les calculs effectués consistent en des séries de transformées de Fourier discrètes et finies (Fast Fourier Transform, FFT) sur 512 points (bins) couvrant 2,560 MHz (5,000 KHz par point), cumulées sur 59 secondes afin d’en améliorer la fiabilité. Les FFT effectuent donc une décomposition du signal temporel en une série de composantes fréquentielles comme un prisme décompose la lumière blanche en une série de lumières de longueurs d’ondes différentes, donc perçues comme différentes couleurs.

Les spectres de fréquences calculés sur le signal permettent de distinguer un signal périodique au milieu d’un bruit comme le montrent les images suivantes.

Analyse spectrale d’un bruit blanc (aléatoire)
La raie spectrale d’une onde pure (signal sinusoïdal)
Analyse spectrale d’un signal périodique mélangé à du bruit

En bas et à droite de la figure ci-dessus il est possible d’apercevoir la raie spectrale du signal qui se différencie clairement du bruit blanc.

Spectre de fréquence du signal radio

Le 15 août 2019 Rémi (F6CNB/N5CNB) a trouvé un erreur dans le source du programme rtl_power_fftw qui explique deux anomalies dans les spectres calculés jusque là. La précision du convertisseur analogique numérique du récepteur SDR utilisé est de 8 bits. Ce qui correspond à un échantillonnage en amplitude sur 2 puissance 8 niveaux d’intensité linéaire (256 valeurs). En un jour sidéral la Terre fait un tour sur elle-même, soit 360 degrés en 23h 56min 4s. Pendant une minute, la Terre tourne d’environ 15 minutes d’arc (0,25 degrés), Donc nous calculons 1430 spectres de fréquence par jour (6 spectres sont manquants pour des raisons de temps de calcul) qui correspondent à une fenêtre large de 360 degrés ouverte sur le ciel au-dessus du radiotélescope mais haute de seulement un peu plus de 1 degré (l’angle d’ouverture de l’antenne à -3dB dans la direction du zénith). Les spectres calculés traduisent donc l’énergie du signal dans chaque « bin » de 2,5 KHz entre 1,4195 MHz et 1,4205 MHz.

Intensité du signal reçu en 1 min de l’hydrogène galactique en fonction de la fréquence
Intensité du signal reçu en 1 min à une heure différente de la journée

Empilement des spectres avec codage couleur de l’intensité

Il est alors possible de représenter l’ensemble des spectres sous forme d’une seule image (spectrogramme) dont l’axe vertical représente l’heure de l’observation et l’axe horizontal les fréquences. L’intensité du signal (hauteur des courbes successives) est codée selon une palette de couleurs du bleu au rouge. Tous les chiffres donnés dans ce paragraphe le sont à titre d’exemple car les valeurs sont susceptibles d’évoluer au fil des expérimentations conduites pour améliorer les résultats des observations pendant la phase de mise au point.

Animation à partir de l’observation de la Galaxie quatre jours de suite

La fréquence du signal émis par un atome d’hydrogène lorsque son électron inverse son sens de spin est calculable et correspond très précisément à 1420,405752 MHz (structure hyperfine du niveau d’énergie). C’est la fréquence centrale des spectres calculés dans notre application. Que représente alors les fréquences autour de cette fréquence centrale. Il faut faire appel à un phénomène physique appelé effet Doppler pour expliquer l’observation. Ce phénomène est celui que nous pouvons tous observer quand nous entendons la sirène d’une voiture de pompier ou celle d’un train qui s’approche puis s’éloigne de nous rapidement. On a alors une sensation de glissement de la tonalité sonore vers des sons plus graves lorsque la source s’éloigne de nous. Le changement de fréquence n’est qu’apparent, car la source est bien de fréquence constante, et il est proportionnel à la vitesse (radiale) de la source par rapport à l’observateur. Si la source vient vers nous le décalage de fréquence se fait vers une fréquence plus élevée. Si la source s’éloigne, il se fait vers une fréquence plus basse.

Pour un signal radio on peut calculer la vitesse Vs de rapprochement ou d’éloignement de la source, connaissant ‘c’ la vitesse de la lumière dans le vide proche de trois cent mille Km par seconde (299792,458 km/s), la fréquence de la source ‘f’ et la fréquence observée ‘fe’.

Vs = c . ((f/fe) -1) [éloignement]

Vs = c . (1 – (f/fe)) [rapprochement]

C’est le même phénomène pour tous les signaux périodiques ondulatoires, les sons comme les ondes radioélectriques. Finalement, ce que mesurent les spectres de fréquence que nous calculons à partir des signaux en provenance d’une source radio c’est la vitesse de rapprochement ou d’éloignement des atomes d’hydrogènes par rapport à l’observateur. L’électron de l’atome d’hydrogène change de spin (rotation sur lui-même) avec une probabilité statistique égale à une fois sur 11 millions d’années, mais l’hydrogène est si abondant dans notre Galaxie (et l’univers) que nous captons un signal suffisamment fort pour qu’il soit détectable avec un radiotélescope. Notre Galaxie a une forme de spirale avec plusieurs bras et tourne sur elle-même. Le système solaire auquel nous appartenons est sur l’un des bras. Donc nous apercevons depuis la Terre des parties de la Galaxie qui s’éloignent de nous et d’autres qui se rapprochent à des vitesses différentes selon leur éloignement du centre. D’où les décalage en fréquence des signaux reçus en provenance de l’hydrogène. L’axe des fréquences de l’image qui est construite peut ainsi être calibrée en vélocité et on observe des vitesses allant jusqu’à plusieurs dizaines de Km/sec, 80 km/sec dans notre cas, car les performances de notre système de réception des signaux qui dépend de la technologie d’un préamplificateur datant des années 1980s n’est pas encore optimisé. En attendant avons amélioré la quantification des mesures en remplaçant le récepteur SDR original banal par un modèle plus précis qui effectue les conversions analogiques numériques sur 14 bits bits (au lieu de 8 bits, la dynamique passant de 1/256 à 1/16384) et plus stable en fréquence, ce qui est utile quand on fait des enregistrements de très longues durées. Les SDR RSP2 ou RSP-Duo de SDRplay sont également plus performants car leur fréquence peut se synchroniser sur une horloge elle-même synchronisée par GPS extrêmement stable (quelques Hz à la fréquence d’observation). Lire la page consacrée aux récepteurs SDR.

Exemple de spectrogramme pollué par des signaux parasites en l’absence de filtre passe bande (crédit F6CNB/N5CNB)

Les filtres passe-bande bloquent les signaux intenses hors bande pouvant interférer avec les signaux utiles par transmodulation. L’image précédente obtenue est plus « propre » mais conserve encore des artefacts d’émissions parasites sur les bords de la bande de fréquences probablement due à des signaux téléphoniques GSM.
Les lignes verticales sont dues à des artefacts internes au SDR

La même image que la précédente après normalisation des couleurs
Autre observation radio-astronomique du transit galactique
La même observation après normalisation des couleurs.
Gnuplot F6BVP

L’heure d’enregistrement est différente et le radio-télescope reçoit donc des signaux en provenance d’une région opposée de la Galaxie vue par la tranche en raison de la rotation de la Terre d’un demi-tour qui provoque ces transits ! On observe donc deux fois par 24 heures une coupe de la Voie lactée. Entre ces deux moments particuliers les signaux plus faibles enregistrés en bleu ciel correspondent aux atomes d’hydrogène diffus en dehors du plan galactique.

Le remplacement du récepteur SDR par un modèle plus performant nous a permis d’enregistrer des signaux avec une meilleure résolution.

Tant que l’antenne était immobile nous n’avons pas eu accès au préamplificateur situé tout en haut du mat de l’antenne dans la cavité derrière le dipôle source. Il a tout d’abord fallu réparer le moteur et le réducteur de l’axe de déclinaison. Le préamplificateur actuel dont le facteur de qualité (facteur de bruit de 1,8 dB) sera remplacé par un préamplificateur ayant un facteur de bruit de 0,3-0,4 dB. C’est pourquoi nous faisons dores et déjà appel à la générosité des sympathisants pour financer la réhabilitation du radiotélescope (voir le menu « soutien -sponsoring »). Nous allons diffuser sur les réseaux sociaux des courts métrages réalisés par des étudiants de l’Ecole supérieure de l’Image et du Son (ESIS) pour faire connaître le projet. Ensuite nous prévoyons de lancer une campagne de financement participatif car l’ensemble du projet demande des moyens financiers que nous n’avons pas encore. Jusqu’à présent, tout a été fait avec la seule participation des membres de l’association.